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Jour 41

Est-ce que la forêt a une fin ?

La musique de Prokofiev débute lentement, quelques violons se rapprochent et bourdonnent entre les branches.

J'hésite un instant avant d'entrer dans les bois, je suis encore sous la lumière du jour, une flute insupportable colporte ma fatalité à mille troncs de moi. C'est là que je dois me rendre, je le sais. J'appartiens à la nuit, je me mens en restant sur le sentier. Je suis aussi vivant que les feuilles mortes qui tapissent le sol. Adieu couleurs orangées, bonjour vert sombre, brun sombre, gris sombre, noir sombre, sombre sombre sombre. Mon esprit est sombre, tourmenté. La queue entre les jambes, l'esprit tourmenté, c'est un aveu de faiblesse de me réfugier loin de l'humanité. Elle m'a rejeté, et alors ? Oui, la témérité ça n'a jamais été ma qualité principale. Je baisse la gueule, je sais qu'au-dessus il n'y a que des branches nues. J'ai faim, encore, rien à me foutre sous la dent. Qu'est-ce que j'ai fait de mal ? C'est juste moi ? Je serais le problème ? Ça dure depuis plus longtemps que longtemps. Je suis certainement trop vieux, trop dégueu. Je grogne un peu, puis je me résous à accepter. Dans les jeunes années, les échecs amenaient l'espoir d'un nouveau départ, mais là ? Je vois de moins en moins. J'entends de moins en moins. C'est nul d'appartenir au moins. Plus d'alpha, plus d'oméga, juste de la solitude. La mélodie se fait aussi pathétique que moi. Il n'y a plus de Nord, de Sud, d'Est ou d'Ouest. Je suis dans la gueule de la bête, une bête dans la gueule de la bête. N'est-ce pas risible ? Je vais chercher un lit de mousse pour m'endormir. Vous viendrez me réveiller quand le monde aura changé. Si je suis encore là, je reviendrai vers vous... à pas de loup !

 

 

Pierre et le Loup

https://youtu.be/Fmi5zHg4QSM

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