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  • Jour 3

    The trick is to keep breathing.

    On a plaisanté, moi le premier, et maintenant j'ai l'air d'un con.
    Je pense, sans pessimisme morbide, que l'on sera tous touché. Alors pourquoi continuer à le nier ?
    Je tousse un peu trop, je deviens suspect. Pollen, asthme, virus final. J'imaginais une fin du monde un peu plus "couillue", qu'il faudrait se battre, mais pas contre cette saloperie invisible. Personne n'a envie de crever, d'être expédié plus rapidement qu'un colis premium de chez Amazon au four. Je n'ai pas envie de mourir, d'ailleurs qui a envie de passer l'arme à gauche ? Mais pire encore, je n'ai pas envie de voir partir mes proches. Voilà, on nous a foutu là, abandonné au dessus d'un tas de fumier puant. Démerdez-vous.

    Ça éternue autour de moi, je tousse, une nouvelle fois, je siffle (pour changer de tonalité) et je viens pousser mon coup de gueule ici. Je suis tellement français dans cette décadence. Je ne manque pas d'air, enfin si, un peu.

    Le truc ce n'est plus d'essayer de vivre, mais de survivre. Continuez de respirer, même si le souffle est court, continuez.

    https://youtu.be/GwKtszQ8Ejo

  • Jour 2

    Et soudain le silence.

    J'en ai marre de me désinfecter les mains à chaque fois que je dois toucher quelque chose. De bouffer seul, dans un coin. D'avoir peur d'être le mal. On fait illusion. Mais qu'est-ce qu'il reste à faire ?

    Non, ça ne durera pas le temps d'un battement d'ailes de papillon, qu'on arrête de nous mentir. Si demain tu crèves, ils scelleront ton sarcophage et te cacheront comme un fruit honteux, corrompu. Seul.

    Dix jours, sans avoir été au contact des autres et l'on pourra se dire que l'on est sauvés ? Quelle connerie.

    Bien sûre que j'ai la haine, la rage, mais est-ce que mes glaires, ma bave, sont le foyer du plèbe fiévreux ? Ça n'a aucun sens, rien n'a aucun sens. Des millions de prophètes, de porteurs de vérités. Cette pute de faucheuse est à nos portes, elle renifle nos odeurs sous le bois qui nous sépare de sa funeste envie de nous baiser. Voilà, il faut lui cracher à la gueule, lui montrer les dents, ne pas se laisser faire.

    Il est évident que cette planète méritait mieux que nous, hommes et femmes confondues, il n'y a plus de procès de sorcières, de sorciers, ce n'est plus l'heure. On ne se touchera plus, mais est-ce que l'on se touchait encore ? La grande récolteuse de vies ne fait pas la différence entre les enfoirés et les vertueux. Tu cherches encore ton dieu ? L'abandon à cette saveur, amère.

    Je sors les poubelles, je les dépose sur le trottoir, je pense à ces pauvres bougres qui vont devoir venir les chercher. On a le cul posé sur nos plumards alors qu'ils ont juste le droit de venir prendre nos merdes. Celles et ceux qui font tourner le monde "du dehors", ils ont le droit de crever ? Oui, je mérite l'enfer. Il n'y a pas de morale à cette fable débile. Au loin j'entends un moteur, plus rien. Silence, on ne tourne pas. C'est presque le printemps, presque la vie, presque l'existence. J'ai les narines pleines de pollen, mon poison, ça me fait rire, je respire avant de m'étouffer. Je me désinfecte les mains, putain, encore une fois.


    See You in Hell
    https://youtu.be/PoyKwzmtW2k

  • Isolé

    Jour 1.

    Où lorsque l'infiniment petit vient terrasser un colosse aux pieds d'argile.

    Honnêtement, ce serait mentir de dire que l'on ne s'y attendait pas. Cela fait plusieurs semaines qu'il n'y a que ça dans l'air. Au début, on plaisante, on se dit que ce n'est pas sérieux, ça ne peut pas l'être. Nous, société pseudo civilisée avec sa technologie si avancée, comment pourrait-on être mis en danger par une flopée de microbes ?

    Toujours le cul entre deux chaises, incapable de prendre des décisions. Si tu as le pied qui brûle, est-ce que tu attends d'avoir les oreilles qui chauffent pour éteindre le brasier ? Non ? Toute cette merde restera un mystère pour moi. Est-ce que l'on nous a pris pour des cons ? On le méritait certainement.

    Janvier, tout part en couilles. Tu le connais ce parfum de début d'année qui te fait dire que l'on n'est pas entrain de savourer un grand cru. On boit le calice jusqu'à la lie et on dégueule ? Ça serait si simple. Non, son odeur reste collée à nos peaux de potentiels contaminés et son goût faisandé imprègne nos lèvres. Tout est devenu toxique, même la parole. Finalement, plus les choses changent, plus elles restent les mêmes. Je l'ai déjà tellement dit.

    Au début de l'épidémie, il ne fallait pas savoir faire des claquettes en bottes en caoutchouc pour comprendre que ça daubait la mort. J'ai vu le bateau couler, le capitaine n'est pas resté à bord. On nous abandonne en nous cachant. Priez pauvres pêcheurs pour ne pas rejoindre le clan des infectés. Celui de celles et ceux que l'on a balancé au compte-gouttes avant que la vague ne nous submerge.

    Vous avez une télévision, un téléphone, internet, vous savez déjà tout ça. Ça parait loin, pourtant au fond de la gorge ça gratouille, le nez qui coule et ça panique. Qui a envie de crever ? La mort ne sera jamais glamour. Et si l'on était des bombes prêtes à exploser auprès des autres ? On s'enferme, on se ment.

    Je n'ai pas peur pour moi, je n'ai rien à perdre, mais si je propage le mal ? L'enfer ce n'est plus les autres, c'est nous.

    La veille, j'ai fait le plein de ma voiture, je sais que l'on ne pourra plus voyager jusqu'à nouvel ordre mais je veux qu'elle soit prête. Pour moi ou pour un autre. J'ai roulé pendant vingt minutes en pleine nuit, puis je me suis dit que les rues, avec ou sans quarantaine, étaient vides. Ici, il n'y aura pas de bouleversements. Finalement, ce confinement ne modifiera pas mon existence. Encore une pensée égoïste. Mais qu'est-ce que vous voulez faire ? Cette guerre de l'invisible renie ses soldats et ses résistants, je n'y ai pas une grand utilité. Qu'est-ce que je peux faire ?

    *

    Je n'ai plus envie de réfléchir sur ce qui a merdé dans ma vie, pourquoi si je pars je ne laisserai rien. Il n'y a plus de jour, plus de nuit, juste un brouillard permanent. Tu ne me vois plus, ne me comprends plus, il paraît que c'est ainsi que l'on disparait. Pourtant il faudra survivre, on était déjà si loin, pourquoi ajouter cette distance infâme ? À quoi je m'attache ? Pourquoi ?

    *

    Prenez soin de vous, sans paniquer, tout ira bien.

     

    Disappear Here

    https://youtu.be/rsNSkjuX55w